Pleins feux sur les propriétaires

LA PROTECTION DU CORRIDOR APPALACHIEN EST RENDUE POSSIBLE GRÂCE À LA PARTICIPATION DES PROPRIÉTAIRES PRIVÉS QUI POSSÈDENT LA MAJORITÉ DES TERRES SUR NOTRE TERRITOIRE D’ACTION. PLUSIEURS PROPRIÉTAIRES ONT DÉJÀ COMPLÉTÉ DES DÉMARCHES AVEC L’ORGANISME DE CONSERVATION DE LEUR LOCALITÉ. C’EST D’ABORD LEUR PASSION QUI LES A AMENÉS À INTÉGRER LEUR PROPRIÉTÉ AU RÉSEAU DES AIRES PROTÉGÉES SUR NOTRE TERRITOIRE D’ACTION.
Claude doucet
CLAUDE DOUCET,
UN PROPRIÉTAIRE
QUI A RÉALISÉ
SON RÊVE

En 1977, Claude Doucet a vendu son entreprise montréalaise et est venu s’installer sur une terre située sur le versant est du mont Pinacle, dans la municipalité de Frelighsburg. « Tout s’est fait très vite. Je voulais une érablière. Je l’ai trouvée en une fin de semaine et j’ai fait une offre d’achat sur une propriété d’une trentaine d’acres avec une belle forêt mature. Un an plus tard, j’ai déménagé ici pour de bon où je pratique depuis le métier d’ébéniste. »

 

Au début des années 1990, le dézonage annoncé de 800 acres sur le sommet et le flanc nord du Pinacle, pour accommoder un projet de centre de ski avec golf et condos, a suscité une vive controverse. M. Doucet s’est senti très mobilisé par cette situation et il a joint ses efforts à ceux d’autres citoyens pour appuyer la mise en place de règlements municipaux pour contrôler le développement. C’est dans ce contexte que la Fiducie foncière mont Pinacle (FFMP) a été créée et a pu acquérir 143 acres sur la montagne afin de préserver les milieux naturels de toute forme de développement. « Je suis ainsi devenu un membre actif de la FFMP dès ses débuts » se souvient-il.

 

Depuis plusieurs années, M. Doucet caressait le rêve de protéger sa propriété à perpétuité. Et pas seulement la sienne… Il aimerait bien voir ses voisins protéger les milieux naturels de leur terre aussi. « Mon projet a mijoté doucement. Après quelques rencontres avec la Fiducie foncière Mont Pinacle et l’équipe de Corridor appalachien, j’ai opté pour la servitude de conservation. On m’a soutenu à chaque étape du projet » fait-il remarquer. « Avec une servitude de conservation, on s’assure de la protection des milieux naturels de sa propriété pour toujours, même si on décide de vendre et que d’autres personnes se portent acquéreurs de la propriété ou que l’on lègue notre propriété à nos enfants ».

 

Dans le cadre de la démarche qui a mené à la servitude, un plan de conservation a été réalisé par les biologistes afin d’identifier la valeur écologique de la propriété et les éléments à protéger en priorité. Claude Doucet fait remarquer que certaines contraintes associées à ce plan limitent effectivement certains droits d’usage, mais le jeu en vaut la chandelle. « Dans ma forêt, les biologistes du Corridor ont noté la présence de la buse à épaulettes, un oiseau de proie assez rare qui a besoin d’une forêt mature pour se nourrir et pour nicher. J’ai le plaisir d’offrir à cette espèce un habitat de qualité sur ma terre, maintenant et pour toujours ! » conclut-il.

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VICTOR ET
ELISABETH ALLISTONE
LES PRÉCURSEURS
ÉCOLOGIQUES

Il y a plus de 50 ans, un jeune couple à la recherche de liberté et de grands espaces quittait Londres à bord d’un navire pour venir s’établir au Canada. C’est à Montréal qu’ils ont élu domicile et qu’il y ont fait carrière pendant 20 ans. Victor et Élisabeth Allistone se rendaient toutes les fins de semaine à la campagne et, en 1961, ils ont acheté une ferme entourée de 10 acres de terre à Sutton.

 

« C’était un endroit idyllique. Nous y avons développé un amour pour la terre et une profonde connaissance de la forêt. Au début, comme la plupart des citadins, nous pouvions à peine distinguer un hêtre d’un chêne… » ajoute Elisabeth en souriant. Dans les années soixante-dix, les Allistone ont acheté des propriétés contigües à la leur et se sont retrouvés propriétaires de 479 acres sur les flancs du mont Gagnon. Après quelques rencontres avec des représentants de Conservation de la nature Canada, le principal partenaire national de Corridor appalachien, ils ont entrepris le processus de don écologique pour la forêt centenaire de 32 acres qui se trouvait sur leur propriété.

 

« De nombreuses démarches avec les personnes-ressources de Conservation de la nature Canada, du ministère de l’Environnement du Québec et d’Environement Canada, ainsi qu’avec les évaluateurs agréés, ont été nécessaires pour aboutir à nos fins. Tout a commencé avec l’excellente évaluation écologique de notre propriété faite par Louise Gratton, la responsable scientifique de ce qu’on appelait alors le projet Corridor appalachien. Ceci nous a convaincu du bien-fondé de notre geste » indique Elisabeth. Depuis que les Allistone ont entrepris leur démarche de don écologique, ils reçoivent de très nombreux témoignages d’appréciation dans leur entourage, parmi leurs voisins et au sein des groupes communautaires où ils sont actifs.

 

Ce qui compte d’abord et avant tout pour eux, c’est la protection de la forêt, des ruisseaux et des espèces qui y habitent et y habiteront. « Nous sommes aussi particulièrement heureux de donner quelque chose en retour pour les si belles années que nous avons passé à Sutton. Dans la région, nous sommes un peu des précurseurs et j’espère que notre geste va inciter d’autres propriétaires à entreprendre des démarches en conservation volontaire dans les monts Sutton. » Depuis la conclusion de ce premier projet, les Allistone ont protégé d’autres terres adjacentes à perpétuité, en collaboration avec l’Association de conservation du mont Écho (MECA).

Stansje Plantenga
STANSJE PLANTENGA
PROPRIÉTAIRE, DONATRICE ET MEMBRE FONDATRICE DE LA FIDUCIE FONCIÈRE DE LA VALLÉE RUITER

Stansje Plantenga est membre fondatrice de la Fiducie foncière de la vallée Ruiter (FFVR) (elle en a aussi été la présidente pendant plus de 15 ans) ainsi que propriétaire et donatrice de milieux naturels pour la conservation à perpétuité.

 

« Je suis née à Amsterdam, mais j’ai vécu à Montréal plus de la moitié de ma vie. C’est le hasard qui m’a fait découvrir la Vallée Ruiter dans le canton de Potton en 1980, et je suis littéralement tombée en amour avec la vallée » nous confie-t-elle. « J’ai développé un fort attachement pour la nature, ici, quand je travaillais avec mon mari au Centre de la Vallée Ruiter qui était, à l’origine, un centre d’aide en santé mentale. Je dirais même que j’ai développé une passion pour la nature et qu’elle fait maintenant partie de mon identité. En 1984, mon mari et moi avons décidé de cesser les activités du centre et de réorienter nos vies. Mon mari était propriétaire de 700 acres. Je souhaitais garder l’accès à ces terres pour m’y promener avec les chiens, et nous voulions nous assurer qu’à notre décès ce joyau naturel serait préservé dans son intégrité sauvage, mais nous ne savions pas comment.

 

J’ai donc cherché un moyen de protéger ma terre et la vallée dans son ensemble. Inspirés par les fiducies foncières américaines, nous avons créé, en 1987, la Fiducie foncière de la vallée Ruiter  (FFVR) en faisant un don de 400 acres de terrain. Nous avons sollicité l’appui d’avocats, de scientifiques, de professionnels en collecte de fonds et des représentants de fiducies américaines pour mettre le projet sur pied et former notre premier conseil d’administration. Le concept était tellement innovateur que nous avons dû nous battre au niveau gouvernemental pour obtenir le statut d’organisme à but non lucratif. »

 

Avec le projet du Corridor appalachien, d’abord créé sous l’auspice de la FFVR, et qui est ensuite de venu l’organisme de conservation indépendant que nous connaissons aujourd’hui, Stansje Plantenga nous confie : « Corridor appalachien offre l’immense avantage de donner une base scientifique aux projets de conservation. L’équipe compte des biologistes qui ont réalisé des inventaires sur les mammifères, reptiles, oiseaux et sur les plantes de la région. Chaque propriétaire intéressé à donner une terre ou à établir une servitude de conservation sur sa propriété reçoit un plan de conservation qui identifie les milieux naturels et les espèces animales ou végétales qui se trouvent sur sa propriété. De plus, ce plan identifie le mode de conservation le plus approprié pour préserver à long terme et maintenir l’intégrité écologique de ces milieux. »

 

En novembre 2001, Stansje a décidé de donner une autre partie de sa propriété (80 acres) ainsi que deux servitudes de conservation (24 acres). Elle conclut : « Je vois ce territoire comme faisant partie d’un ensemble géographique où il y a encore des étendues sauvages et où l’intégrité de ces milieux est de plus en plus menacée. Cette région possède des trésors naturels et c’est notre responsabilité de les protéger. C’est un cadeau pour l’humanité. »