Biologiste d’un jour avec Corridor appalachien

Par Marie-Hélène Thibeault

Moi, Mélanie et Tanya prêtes pour une journée de découvertes!

Grâce à une initiative interne chez Corridor appalachien, j’ai eu la chance de quitter ma confortable chaise de bureau pour plonger dans l’univers de mes collègues biologiste pour une journée à l’été 2021.

En temps normal, à titre de responsable des communications et de la philanthropie pour notre organisme, je suis collée à mon ordinateur pour réviser des textes, préparer des plans de communication, participer à des appels conférences avec des partenaires et planifier une prochaine campagne de levée de fonds. Mais cette fois-ci, je chaussais mes bottes de marche et mes vêtements d’aventurière pour accompagner Mélanie Roy et Tanya Vinet sur un de leurs mandats d’acquisition de connaissances.

Notre journée a commencé avec une conduite vers le terrain concerné dès 8 heure du matin. Un petit 30 minutes plus tard, nous arrivions à destination et l’heure était aux préparatifs pour notre journée de travail : sacs à dos, gourdes d’eau, cache-cou pour éviter les tiques et moustiques, tablettes et batteries pour nous orienter et comptabiliser les espèces recensées, cellulaires et applications pour identifier les espèces découvertes et nos lunchs.

Dès les premiers instants que nous étions sorties de l’auto, Mélanie et Tanya étaient déjà à l’œuvre en même temps qu’elles préparaient leurs sacs.

« As-tu entendu ça? » s’est exprimé Mélanie. « Ah oui! C’est un passerin indigo », de répliquer Tanya qui profitait de l’occasion pour ajouter cette espèce à l’application vouée à comptabiliser la biodiversité présente sur les lieux.

Mélanie qui est tout ouïe pour identifier les oiseaux sur les lieux et outillée d’une multitude d’applications pour valider son écoute.

Avant même d’avoir fait nos premiers pas, mes collègues avaient déjà recensé une dizaine d’espèces d’oiseaux – par l’écoute et l’observation visuelle. Pour une néophyte comme moi, c’était fascinant de voir l’aisance avec laquelle elles pouvaient reconnaître les chants de tous ces chanteurs aériens!

Après avoir pris connaissance de la faune aviaire présente, nous avons entamé notre marche vers des points spécifiques sur un collectif de terrains d’une superficie globale de plus de 700 hectares. Notre objectif : recenser la flore et la faune à des endroits variés sur le terrain afin de mieux comprendre la biodiversité pour ultimement pouvoir protéger les espèces y habitant.

Les premiers 500 mètres se sont avérés plus faciles, car nous marchions le long d’un terrain agricole. Mélanie et Tanya profitaient de chaque pas pour regarder les lieux et prendre en note leurs observations fauniques et floristiques. Les choses roulaient rondement et je m’imaginais qu’à ce rythme, la journée allait couler doucement!

C’est précisément à ce moment que les choses ont pris un nouveau tournant. « C’est par là qu’il faut aller! » nous a indiqué Mélanie qui suivait le GPS rigoureusement en pointant directement vers la forêt adjacente.

Puisqu’il n’y a pas de sentier ni de repère sur le terrain, Mélanie et Tanya utilisent souvent leur GPS ultra performant pour se situer et se rendre au prochain point d’évaluation.

Tant que je voyais le point où est située notre voiture, je me sentais en confiance!

Habituée des sentiers pédestres bien identifiés et dégagés, j’étais un peu sceptique de ses instructions puisque je n’y voyais aucune issue… seulement des arbres et des arbustes. Mais en effet, notre objectif nous menait vers une forêt très dense avec pour seuls guides le GPS et quelques pistes très étroites empruntées par des chevreuils.

Nous avons réussi à franchir ce premier bloc forestier pour arriver à un habitat différent : une tourbière. Les changements du milieu agricole en passant par la forêt étaient notables. La tourbière présentait un sol très humide, une terre riche, une végétation mousseuse, de petits arbustes et même des plantes que je n’avais jamais vues auparavant comme une plante carnivore. C’était le milieu idéal pour que mes collègues compilent des données sur les espèces présentes.

Devant l’immensité des lieux et l’abondante diversité des espèces floristiques présentes, mes yeux n’arrivaient pas à distinguer chaque élément constituant le tout.

« Comment faites-vous pour tout inventorier? Je ne saurais pas par où commencer » j’ai admis aux filles.

« On commence par le ciel et on descend » me répond Tanya.

Ainsi, elles ont procédé à mettre en éveil tous leurs sens afin de saisir l’ampleur de la nature qui nous entourait. Une fois les oiseaux recensés, elles ont procédé à regarder les peuplements d’arbres, pour ensuite évaluer les arbustes et finalement pour descendre au niveau du sol.

J’y perdais mon latin en les écoutant échanger. « Celle-ci tu crois que c’est Gaylussacia baccata ou plutôt Vaccinium corymbosium? » demande Tanya à Mélanie. En revanche, Mélanie questionnait Tanya : « Et celui-ci? Regarde ces feuilles. C’est un Rhododendron du Canada ou un Kalmia à feuilles étroites? ».

On aurait cru l’heure du quiz au baccalauréat en biologie! Mais quelle est cette espèce?

Tanya et Mélanie se questionnent et analysent!

À chaque point de recensement, j’observais les biologistes regarder des spécimens de feuilles et fleurs, elles les tournaient, les sentaient, les touchaient, regardaient la lumière passer à travers… dans le but de bien les identifier pour ensuite comptabiliser leurs données dans une application sur leur tablette.

Quand elles se butaient à une énigme, elles avaient pour outil des applications comme iNaturalist et Seek pour valider leurs recherches. J’ai profité de l’occasion pour télécharger iNaturalist. À quelques reprises, je me suis amusée à prendre des spécimens en photo et à les identifier en utilisant l’application…. Pour de brefs instants, l’application me faisait sentir un peu moins ignorante devant leur maitrise des noms d’espèces!

Après avoir comptabilisé les espèces présentes à des points donnés sur une distance d’environ deux kilomètres en trois heures, nous avons fait une pause lunch. Il était dépassé midi et il faisait un 30 degrés bien ressenti dans le milieu humide de la tourbière. Nous avons décidé de marcher un peu plus loin vers notre prochain point de recensement en espérant pouvoir manger notre lunch à l’ombre sous de beaux arbres matures. Secrètement, j’espérais trouver un beau plan d’eau pour sauter à l’eau pour me rafraîchir… visiblement, j’avais oublié que nous étions à la croisée de grandes superficies agricoles où se trouve un riche milieu de tourbière!

Tanya et Mélanie qui se préparent à traverser un petit ruisseau très boueux.

En pleine forêt vierge, il y bien rarement un petit pont qui nous attend!

Il faut utiliser notre créativité, parfois notre courage, et aussi mettre la nature à contribution!

Nous avons finalement trouvé un petit lieu paisible pour casser la croûte au milieu d’un peuplement forestier pour s’asseoir sur un bout de tronc d’arbre cassé.

« Qu’est-ce qui vous passionne de votre travail, » j’ai lancé aux filles entre deux bouchées de bagel.

« Pour moi, les projets d’acquisition de connaissance sont de vraies aventures et je carbure à l’idée de trouver une espèce que je n’ai jamais vue auparavant » me partage Mélanie qui a initialement complété un Baccalauréat en Communication, rédaction et multimédia à l’Université de Sherbrooke avant de faire le saut en sciences biologiques et écologiques à l’Université du Québec à Trois-Rivières, suite à un stage en communications chez Corridor appalachien il y a près de 10 ans.

Pour Tanya, qui œuvrait initialement dans le domaine de l’ergothérapie avant de prendre un virage vert dans le cadre d’un Baccalauréat en écologie et d’une maîtrise en gestion de l’environnement à l’Université de Sherbrooke, a renchéri : « notre travail aide à protéger des espèces et c’est super valorisant »!

Avant même que je m’en rende compte, nous avions terminé nos petits repas et nous rebroussions chemin pour compléter un autre deux kilomètres de marche avec quelques points de recensement.

Bien que nous ayons observé plusieurs des mêmes espèces qu’en matinée, le défi de l’après-midi a été de naviguer à travers des grands blocs d’arbustes sans sentier. Nous avancions à pas de tortue en essayant de se tailler un chemin. Heureusement, mes guides se gardaient motivées et alimentées, en dégustant les petites baies qui se trouvaient tout au long de notre chemin!

Grâce au GPS, nous avons réussi à retrouver notre voiture après un périple de quatre kilomètres et six heures actives de marche sur le terrain.

« Êtes-vous satisfaites de votre journée » j’ai demandé aux filles. « Oui! » me répond Mélanie. « Nous ne savons jamais à quoi s’attendre quand on arrive sur un terrain, mais l’important est de progresser et de faire des saisies de données qui sont justes et de qualité. »

Un point fort de la journée pour moi, au-delà d’atteindre l’auto (!), a été de prendre des photos d’espèces magnifiques et de la nature à son plus pur.

À l’auto, j’ai rapidement enlevé mon chandail et mes grosses bottes pour enfiler mes sandales et aérer mes pieds au soleil plombant. Bien que je pratique régulièrement la course à pied et le vélo de montagne, je ressentais une toute autre fatigue comme si je venais de compléter une épreuve dans un épisode de Survivor en Alaska dans un milieu lointain et hostile!

Sur le chemin du retour, j’ai rejoué le scénario de la journée dans ma tête et je me sentais fortunée d’avoir été témoin de ce bel écrin de nature encore vierge et si précieux. Tout le travail de mes collègues, ainsi que la mission de Corridor appalachien avaient pris leur sens.

J’étais d’autant plus admirative de mes collègues qui devaient poursuivre leur mission le lendemain sur un autre terrain alors que je retrouverais le confort de mon bureau! Car en effet, le terrain est fertile pour des projets de conservation et Corridor appalachien a un carnet d’évaluations écologiques rempli de 21 propriétés pour cet été!

Mais heureusement et grâce à tous mes collègues, la conservation ne prend pas de repos!

LA JOURNÉE EN BREF

  • 2 biologistes et une amatrice de la nature!
  • 4 kilomètres parcourus
  • 6 heures de marche dans la forêt très dense
  • Une cinquantaine d’espèces différentes recensées dans la journée
  • Nous avons observé 25 espèces d’oiseaux et nous avons conclu la sortie avec trois espèces de mammifères
  • Parmi les espèces à statut recensées, on retrouve l’hirondelle rustique et la woodwardie de Virginie (une fougère).
  • Nous avons aussi croisé des plantes carnivores : la Droséra à feuilles rondes et la Sarracénie pourpre

Corridor appalachien a un carnet de 21 projets d’acquisition de connaissances cet été. Plusieurs projets requièrent plusieurs visites pour compléter une évaluation écologique complète des lieux.

DES APPLICATIONS UTILISÉES PAR NOS EXPERTS

Pour appuyer toutes leurs connaissances et valider leurs évaluations, nos experts utilisent les applis suivantes tout au long de leurs sorties sur le terrain pour l’identification d’espèces :

  • Seek, pour identifier des plantes
  • eBird, quand on souhaite partager nos observations d’oiseaux
  • Merlin Bird ID et Sibley V2, pour aider à l’identification d’oiseaux. Ce sont comme des guides papier, mais on peut écouter des bandes sonores de leurs chants et cris
  • BirdNET, permet d’enregistrer un chant d’oiseaux, ensuite l’appli l’analyse et suggère l’espèce dont il pourrait s’agir. C’est une appli du style Shazam, mais pour les chants d’oiseaux!

 

Photos: Corridor appalachien